Cuisiniers, pouvez-vous protéger vos créations culinaires ?

Le droit de la propriété intellectuelle protège bien des créations que ce soit grâce à la propriété industrielle ou la propriété littéraire et artistique.
Cela semble assez évident pour certaines inventions, compositions musicales et œuvres littéraires ou artistiques, mais qu’en est-il des créations culinaires ?
Dressons un panorama des outils offerts par la propriété intellectuelle qu’il est possible d’utiliser en matière culinaire.
La propriété industrielle
Commençons par le droit des marques. Il est possible de donner un nom à la création culinaire et de le protéger par un dépôt de marque. Néanmoins, cela ne permettra pas de protéger la création culinaire ou la recette en elle-même.
S’agissant du droit des dessins et modèles, sous réserve de répondre aux conditions classiques des dessins et modèles, il sera possible de déposer l’apparence d’une création culinaire.
Quant au droit des créations techniques, il est possible de trouver quelques brevets culinaires délivrés à condition que la manière de réaliser la création culinaire, ou un élément de celle-ci, résolve un problème technique. Par conséquent, il est difficile de protéger une création culinaire entière par ce biais car, le plus souvent, il s’agit d’un procédé mis en œuvre à une des étapes de la réalisation de la recette de cuisine.
La propriété littéraire et artistique
Le droit positif des droits d’auteur ne voit pas dans une création culinaire une œuvre de l’esprit[1]. Il n’est donc pas possible pour le cuisinier d’avoir des droits patrimoniaux ou moraux.
Néanmoins, un cuisinier peut espérer pouvoir protéger sa recette de cuisine dans son aspect littéral si celle-ci est rédigée de manière originale. Néanmoins, la création culinaire ou la recette en elle-même ne seront toujours pas protégées.
Les droits d’auteur peuvent également, toujours sous couvert d’originalité, protéger l’esthétique d’une création culinaire.
Les droits annexes
D’autres outils, aux côtés de la propriété intellectuelle peuvent être utilisés.
Ainsi, en amont, le plus prudent est de garder la recette de cuisine, et donc la création culinaire, secrète. Le secret peut alors être entouré de contrat ou de clause de confidentialité, de clause de non-concurrence et du secret de fabrique.
Il est également possible de protéger son savoir-faire mais le savoir-faire du cuisinier est un élément différent, bien plus global, d’une des recettes qu’il peut avoir créée.
Le droit de la concurrence (concurrence déloyale ou parasitisme) peut venir à la rescousse en cas de copie d’une création culinaire non protégée mais ce ne sera pas aussi efficace que la procédure de contrefaçon à laquelle n’ont pas droit les créations culinaires.
Les créations du cuisinier non reconnues
Alors qu’un cuisinier devrait pouvoir être reconnu créateur comme l’écrivain, le peintre, le compositeur ou l’inventeur, les créations culinaires des cuisiniers ne sont toujours pas reconnues par le droit. Pourtant, le succès actuel de la cuisine, la réputation mondiale de la gastronomie française, l’existence de l’art culinaire sont des données économiques qu’il serait temps de valoriser à l’aide du droit de la propriété intellectuelle.
Les possibilités éventuelles à venir
La situation pourrait changer puisqu’une évolution du droit positif pourrait intervenir et permettre aux cuisiniers de devenir propriétaires de leurs créations culinaires.
En effet, Mlle Thimothée Fringans, docteur en droit ayant rédigé une thèse que la protection et la valorisation des recettes et créations culinaires, travaille actuellement avec le sénateur de l’Yonne, Jean-Baptiste Lemoyne, sur une proposition de loi visant à protéger les créations culinaires.
Plus d’informations à venir sur : thimotheefringans.fr.
[1] TGI Paris, 10 juil. 1974 ; D. 1975, somm. p. 40.