Droit des marques : les risques de la perte du titre
La marque a une validité de 10 ans. Toutefois, il arrive que, volontairement ou non, le titulaire de la marque en perde les droits.
S’il est de plus en plus difficile de trouver une « bonne » marque, à savoir une marque disposant d’une forte valeur juridique et marketing, en raison, principalement, du nombre croissant d’antériorités, il n’en demeure pas moins, qu’une fois le titre de marque enregistré, il est nécessaire de le surveiller et de le protéger, afin qu’il perdure.
La marque reste, incontestablement un titre fragile.
Plusieurs hypothèses entraînent la perte d’une marque.
Certaines hypothèses relèvent d’une démarche active de son titulaire. Le titulaire décide, par exemple, de céder sa marque à un tiers, il en perd alors définitivement les droits qui sont transférés au cessionnaire.
Le titulaire de la marque peut encore décider de procéder à la radiation de la marque, il s’agit dans ce cas d’un simple formulaire à remplir auprès de l’INPI (pour une marque française) et la marque retombera alors dans le domaine public, à la disposition de tous.
Mais certaines pertes de droits sur la marque sont subies par le titulaire de la marque, ce qui peut évidemment entraîner de lourdes conséquences.
Deux hypothèses, particulièrement pernicieuses, sont prévues par le Code de la Propriété Intellectuelle.
D’une part, la marque peut subir une déchéance pour dégénérescence, la marque perd ainsi son caractère distinctif.
La dégénérescence du titre peut résulter du fait que la marque devienne usuelle. Le Code de la Propriété Intellectuelle prévoit ainsi qu’ « encourt la déchéance de ses droits le propriétaire d’une marque devenue de son fait la désignation usuelle dans le commerce du produit ou du service [1]».
Le caractère distinctif de la marque s’appréciant au jour du dépôt, il est possible que, le temps passant, elle devienne la désignation usuelle du produit, tel est le cas des marques « Bretelle », « Klaxon », « Frigidaire ».
Néanmoins, la déchéance doit résulter d’un « fait de son titulaire », il n’est pas question que la déchéance soit automatique dès lors que la marque sert à désigner un produit ou un service dans le langage courant.
Ainsi, la déchéance de la marque sera encourue si le titulaire de la marque omet de défendre sa marque alors que ses concurrents l’utiliseraient pour présenter leurs propres produits, s’il n’essaie pas de lutter contre le glissement qui tend à associer sa marque, non plus à son propre produit, mais à une catégorie de produits présentant des caractéristiques identiques.
Par ailleurs, la déchéance n’est pas réservée aux marques nominales, les marques figuratives ou encore les marques protégeant une couleur sont également concernées. C’est ainsi que la société CANDIA, titulaire de la marque protégeant la couleur « rose fuchsia » pour désigner du lait ou des produits laitiers destinés aux enfants, en a perdu les droits en raison de son absence de réaction suffisante pour éviter la banalisation[2].
La dégénérescence du titre peut également résulter du fait que la marque devienne trompeuse. Le Code prévoit ainsi qu’ « encourt la déchéance de ses droits le propriétaire d’une marque devenue de son fait propre à induire en erreur, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service [3]».
Ainsi, lorsque la marque tend à induire en erreur le consommateur, elle peut être déchue.
D’autre part, la marque peut subir une déchéance pour défaut d’exploitation.
Il est fréquent, dans le cadre d’actions en contrefaçon de marques, que la personne à qui l’on reproche de tels actes, réponde par une demande reconventionnelle en déchéance pour défaut d’exploitation de la marque.
En effet, le Code de la Propriété Intellectuelle prévoit que la déchéance de la marque peut être prononcée suite à un défaut d’exploitation de la marque par son titulaire, et ce dans les termes suivants : « Encourt la déchéance de ses droits, le propriétaire qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans »[4].
Initialement, cet article a été introduit pour lutter contre l’afflux de signes déposés sans aucune intention d’exploitation, octroyant ainsi un monopole à une personne sur un nom qui n’était donc pas disponible pour la personne qui a une réelle intention de l’exploiter.
Il convient de noter que la déchéance n’est pas davantage automatiquement acquise en cas de non-exploitation de la marque pendant une période de cinq ans, elle doit être sollicitée en justice par un tiers. Dés lors qu’elle n’est pas automatiquement acquise, celui qui détient une marque qu’il n’a pas exploitée depuis cinq ans, peut parfaitement entreprendre ou reprendre son exploitation aussi longtemps qu’une action en déchéance n’a pas été introduite à son encontre.
Par ailleurs, la déchéance de la marque peut être totale ou partielle, selon que l’ensemble ou une partie des produits et/ou services de la marque n’ont pas fait l’objet d’une exploitation sérieuse par son titulaire.
La question de la preuve est ici centrale. En cas d’action en déchéance pour défaut d’exploitation, il appartiendra au titulaire de la marque de prouver qu’il a effectivement fait un usage sérieux de sa marque pour chacun des produits et services visés dans son dépôt de marque. Et cela peut s’avérer fastidieux.
L’usage doit être un usage à titre de marque, à savoir un sage dans la vie des affaires, pour promouvoir un produit ou un service, et un usage sérieux. Par usage sérieux, il faut entendre un usage important et adapté aux produits ou services.
En outre, pour constituer un usage sérieux, il faut que la marque exploitée corresponde à la marque sous la forme déposée. Cela implique, par exemple, pour une marque déposée en tant que logo, que si le graphisme de ce dernier a évolué et que le logo exploité ne correspond plus au logo déposé comme marque, son exploitation ne permettra pas de prouver un usage sérieux de la marque.
Autre condition, l’usage doit être celui de la personne titulaire de la marque. Ce principe a été rappelé récemment par la Cour de Cassation qui a considéré que la commercialisation importante de produits, par une entreprise, sous une marque appartenant à un tiers, ne suffit pas à établir l’usage sérieux de celle-ci[5].
En résumé, les hypothèses sont nombreuses dans lesquelles un titulaire de marque peut voir son titre déchu, et les enjeux d’un changement de marque imposé peuvent être considérables (préjudice financier, préjudice d’image). C’est pourquoi, il apparaît essentiel de bien surveiller et protéger ses marques.
Blandine POIDEVIN
Clémence VANCOSTENOBLE
[1] Article L.714-6 a) du Code de la Propriété Intellectuelle
[2] Cass. Com., 10 juillet 2007, pourvoi n°06-15593
[3] Article L.714-6 b) du Code de la Propriété Intellectuelle
[4] Article L.714-5 du Code de la Propriété Intellectuelle
[5] Cass. Com, 3 mars 2015, pourvoi n° 13-22900, société L’Oréal c/ Société Parfums Via Paris
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